Extérieur, intérieur, esprit, cœur, dompteur, rigpa
Quel jour?
Juin continue
extrême chaleur
En général sur le plateau cette année le soleil est dru, l'air frais, vif et le sol monte, de préférence. J'ai beau déployer des trésors de stratégie pour détourner les obstacles, Lérab Ling me réserve personnellement un stock très varié d'escaliers, pentes, marches, lacets grimpants et autres accidents topographiques inévitables sollicitant l'effort musculaire et lestant de pierres additionnelles le barda que je ne peux m'empêcher d'emporter partout avec moi, au cas où il ferait faim, soif, froid, chaud, mouillé, sec, brillant, noir, – flopée de foulards, écharpes, béret, gants, lunettes, livres, eau, biscuits, tasse, Laguiole, stylo, carnet, crayon, drap de survie, combinaison de femme-grenouille, canot gonflable, pagaie, boussole, mer, île, tendre Vendredi... Pardon? je m'égare! Chaleur...
(...)
Maladie, antidote, tigre de papier, oasis, soif, foi
... Plus tard, à l'intérieur, méditation. Au minimum, je respire à l'unisson de mes deux ou trois cents congénères. Le silence est complet : on entend pépier dehors un de ces oiseaux minuscules – remonté sur ressort, énergique jusqu'à frôler l'hystérie.
En exacte diagonale, à l'autre bout de la branche d'étoile, une grande image de Dilgo Khyentsé Rinpoché retient mon regard. C'est une sensation de forêt, conifères en pleine chaleur, en pleine exhalaison de formidables parfums.
Mon esprit flotte encore un peu puis finit par se poser – un repos infini, réparateur, frais comme un printemps (l'enfant n'a plus sommeil, la jeune fille n'est plus triste, la vieille dame n'est plus inquiète) – juste le rideau qui se balance doucement
à la porte
la fenêtre
la forêt
(...)
La pointe du doigt, le lion des neiges, la rivière, la question-clé
... Ce soir à la télévision images d'archives des vietnamiennes paysannes combattantes - DCA - tunnels jusqu'à vingt cinq mètres de profondeur pour échapper aux bombardements
en noir et blanc en mères en filles courage elles courent à la vie à la mort sous la terre
passé les cercles de feu vieilles dames devenues
les voici mains croisées sur leur robe d'énigme
gueules cassées au secret de leurs plis
comment survivre revivre poursuivre
comment faire dans ce monde ?
A ma question urgente, brûlante, je me rappelle le surgissement d'une réponse intérieure, six syllabes neuves comme un doigt d'enfant sur les lèvres. Avec un effet de puissance paradoxal, comme d'une explosion silencieuse soufflant la flamme d'un noir pétrole. L'air lisse succédait, transparent, l'eau turquoise de la mer. Je plongeais, je faisais la sirène, pendant quelques bonnes longueurs.
Verbe être. Pas d'interrogation. Juste l'exactitude.
Aujourd'hui quand j'y pense, j'imagine l'angle juste, la main dessaisie de ses ongles crochus, le soi mûri à cœur – le déroulement de l'action qui s'en suivrait naturellement. J'imagine 'bodhisattva'...
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